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Cardinal Augustin Bea SJ
Augustin Bea (1881-1968) fut un Jésuite allemand qui, par sa profonde réflexion sur le Texte Sacré, fut le pionnier du mouvement œcuménique de l’Eglise catholique et du dialogue avec les juifs. Il rejoignit la province allemande jésuite en 1902, devint provincial en 1921 et fut envoyé à Rome pour y enseigner l’étude du Texte Sacré. Il assista le pape Pius XII dans l’écriture de ses lettres encycliques sur la liturgie (« Mediator Dei) et sur la Bible (Divino Afflante Spiritu). En 1959, le pape Jean XXIII fit Bea cardinal, il fut nommé comme premier Président du Secrétariat pour la Promotion de l’Unité Chrétienne. Durant le Vatican II, Bea participa à la préparation du document révolutionnaire sur les relations de l’Eglise avec les religions non-chrétiennes (Nostra Aettate) et à celle du Texte Sacré (Dei Verbum). Apres le Concile, il dédia le reste de sa vie à l’œcuménisme et aux problèmes inter-foi. Mourant, il demanda l’autorisation d’être enterré dans son petit village natale de la Foret Noire contrairement à Rome comme le veut la tradition : « Beaucoup de cardinaux sont enterrés à Rome, mais il n’y en aura qu’un seul dans mon village ; alors les passants remarqueront ma tombe et prierons pour mon âme.
Sa Vie
Né en 1881 à Riedböhringen, un village situé dans la Forêt Noire en Bavière, Augustin était l’enfant unique de Karl et Maria Bea. Apres sa sortie de l’école, il passa deux ans à étudier la théologie à l’université de Freiburg. Agé de 21 ans, il embarqua dans sa vie de Jésuite et entra dans le novitiate de la province d’Allemagne du sud. Il suivit les études classiques de théologie et de philosophie, et fut ordonné prêtre en 1912. Peu de temps après, il entreprit des études de philologie de l’Ancien Proche-Orient, à l’université de Berlin ; de 1917 à 1921, il enseigna le Nouveau Testament au Theologate pour Jésuites Allemands alors situé à Valkenburg en Hollande ; il fut également « Préfet d’étude ».
D’autres tâches importantes allaient suivre. Il fut choisi comme Provincial de la Province de Bavière, et Visiteur (Inspecteur) de la mission japonaise de la Compagnie de Jésus. En 1924, il fut nommé professeur à l’Institut Biblique à Rome où il resta pendant plus de trente ans et fit office de Recteur de 1930 à 1949. Bien d’autres devoirs et de responsabilités vinrent durant cette période : il travailla directement pour la papauté sur la Commission Biblique Pontificale, et pour la Congrégation sur la Doctrine de la foi (alors appelée le Saint-Office) ; il fut président de la commission pour la révision du psautier latin ; et confesseur du pape Pius XII de 1945 jusqu’à la mort du pape en 1958.
Pendant ce temps-là, il publia de nombreux livres et articles, oscillant dans ses écrits d’étude biblique, entre fondamentalisme et relativisme. En 1935, avec l’accord du pape Pius XI, il participa au congrès des savants protestants sur l’Ancien Testament à Göttingen en Allemagne ; ceci encouragea une coopération œcuménique dans les études bibliques. Il contribua grandement à l’encyclique du pape Pius XII sur l’interprétation du Texte Sacré, « Divino Afflante Spiritu » (les premiers mots du texte latin) publié en 1941, ce qui promut les recherches d’études bibliques catholiques.
La troisième et dernière étape de la vie de Bea débuta en 1959. Cette année-là, le nouveau pape Jean XIII le fit cardinal et le nomma Préfet du Secrétariat pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens du Vatican, un poste qu’il occupa le reste de sa vie. Il eut un rôle important durant le Deuxième Concile du Vatican (1962-5), particulièrement sur le décret du Texte Sacré, Dei Verbum. Ce document a eu un impact majeur depuis, encourageant les chrétiens, et tout autre, à apprendre des richesses du Texte Sacré, et à les appliquer dans leurs vies, dans leurs prières et dans leurs études. L’influence de Bea se fit plutôt sentir dans la préparation et l’écriture de Dei Verbum que dans sa diffusion car il mourut à Rome seulement trois après la fin du Concile, à l’âge vénérable de 87 ans.
Réflexions
La vie de Bea fut longue et complète. J’ai moi-même 70 ans et progressivement j’approche de sa durée de vie. Mes réflexions sont donc quelque peu personnelles. Elles sont divisées en quatre thèmes.
1 L’imprévisible
Ceci est un point évident mais qui vaut la peine d’être exprimer au commencement. Nous avons tendance à lire des biographies très rapidement en anticipant leur fin, comme si le résultat final était inévitable. Peut-être cette fin est-elle connue de Dieu, mais ni nous, ni l’individu concerné ne la connaissons. A cette égard, la vie de Bea fut assez assez particulière ; en effet, bien qu’allemand, il survécu, non pas inévitablement, aux horreurs des deux Guerres Mondiales.
2 Nationalité
Jésus était un vrai juif, pour ainsi dire. La nationalité est très importante, même à notre époque quelque peu supranationale, lorsque franchir les frontières et vivre dans d’autres pays est quelque chose de commun. Bea possédait les qualités fines de sa nation. En tant qu’anglais, l’Allemagne eut une place importante dans mon enfance. J’étais né pendant la deuxième Guerre Mondiale. Mon père était dans la RAF (Royal Air Force). Pour lui et ma mère, aussi bien que pour leurs parents, les deux guerres pesaient lourd et ils en connaissaient les horreurs. Cependant, en tant qu’écoliers, peut-être en réponse à nos parents réciproques, nous étions morbidement fascinés par les exploits de l’armée allemande et avions beaucoup de respect pour ce peuple. Les liens entre nos deux nations sont bien sûr des plus profonds. L’Angleterre, la terre des anglois et la langue anglaise révèlent nos racines provenant des tribus allemandes qui vinrent dans notre pays au VIe siècle. Boniface (675-754), un moine anglais et un grand missionnaire en Allemagne, connaissait ces liens intimes. Dans une lettre célèbre au peuple anglais, il appela à leurs prières et leurs aide pour convertir ceux qui « qui sont du même sang et des même os que vous ». Cette affinité se trouve également dans mes propres os, ce qui me rapproche donc du cardinal Bea.
3 La volonté de Dieu et notre coopération avec celle-ci
La longue vie de Bea révèle la relation à la fois intime et complète entre la volonté de Dieu et sa coopération avec celle-ci. Nous ne pouvons ici qu’effleurer la surface de ce sujet : la vérité complète n’est connue que de Dieu et partiellement d’Augustin Bea. Cependant, nous pouvons analyser cette collaboration, tout d’abord au travers de l’éducation pieuse et responsable qu’il reçut de ses parents. Ensuite par l’initiative du jeune Augustin de répondre à la volonté de Dieu et à prendre conscience de ses talents : tout d’abord par ses deux ans d’études de théologie à Freiburg ; et puis en postulant à l’entrée au Novitiate Jésuite. Ayant intégré la Compagnie de Jésus par les vœux qu’il prononça à la fin des deux ans du Novitiate, Bea était désormais soumis à une plus intense prise de conscience de sa coopération avec Dieu : l’obéissance aux lois jésuitiques et aux instructions de ses supérieurs. Sa longue vie de Jésuite et son ministère indique une coopération productive avec la volonté de Dieu et avec les instructions de ses supérieurs et de toutes autres autorités de l’Eglise, y compris plusieurs papes. Cependant, il resta conscient de ses propres talents et demeura fidèle à ses instincts : un mélange raffiné de fidélité et de création!
4 Le travail pour la papauté
L’un des derniers vœux que Bea prit, avec d’autres Jésuites lors de leur ordination de prêtres, fut de jurer fidélité à la papauté. Sa vie, décrite ci-dessus, montre la place importante que ce vœu occupa dans sa vie : son long apostolat à l’Institut Biblique sous l’autorité directe du pape ; les commissions que les papes Pius XII, Jean XIII et Paul VI lui donnèrent en responsabilité, et ses travaux durant le Deuxième Concile du Vatican. Là également, sa fidélité fut créative. Dans ses premières années de Jésuite, il vécut la crise Moderniste à l’époque où le pape Pius X se mettait en garde contre les interprétations trop libérales de la Bible. Beaucoup d’évêque du Vatican partageaient les idées du pape et étaient hostile à l’ouverture d’esprit de Bea. Son travail avec la papauté lui apporta surement aussi bien souffrance et anxiété que consolation.
Apostolat académique
Je vais ajouter quelques réflexions sur le travail intellectuel d’Augustin Bea. L’étude et la recherche étaient des caractéristiques centrales de sa vie et pour moi qui enseigne et écrit, elles sont des aspects très intéressants.
1 Beaucoup de rôles
Le dicton chez les professeurs de l’université d’Oxford, pendant les années durant lesquelles j’enseignais, disait qu’il y avait trois tâches principales : l’enseignement, l’écriture et l’administration et que l’on devait se consacrer à deux de celles-ci. Remarquablement, Bea s’engagea dans les trois tâches et à un niveau des plus élevés dans l’administration académique. Il publia des livres et des articles pendant longtemps et comme je l’ai mentionné, il enseigna àValkenburg en Hollande et à l’Institut Biblique à Rome. Son travail sans relâche dans l’administration et l’organisation, aidant et encourageant beaucoup d’autres, ont également été décrits : ses devoirs administratifs à Valkenburg, son engagement dans les commissions papales et ses travaux au Vatican II. Les résultats de son travail sont tout aussi remarquables. Le Vatican II continua à inspirer : les papes successifs ont résolument promu les études bibliques et l’importance du Texte Sacré dans la vie des chrétiens ; l’Institut Biblique à Rome continue à prospérer et à former de nouveau professeurs et pasteurs dans l’Eglise.
2 Les études allemandes
Durant la vie de Bea, les recherches allemandes concernant les études bibliques et differents autres sujets étaient grandement estimées. Les protestants et divers autres intellectuels allemands, plus que les catholiques, apportèrent un nouveau niveau de compétence à la recherche biblique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Bea entra dans la tradition et aida l’Eglise catholique à reconnaitre les forces de celle-ci aussi bien que ses faiblesses. La prudence excessive de l’Eglise en rapport avec les études biblique amena à la crise Moderniste au début du XXe siècle. Elle fut transformée en une approche plus positive par le pape Pius XII particulièrement dans le document du Vatican II sur le Texte Sacré « Dei Verbum ». Bea était proche de Pius XII et eut un rôle important dans la réalisation du « Dei Verbum ».
3 Le monde
Bea bénéficia certainement de ses racines catholiques allemandes ; cependant, il progressa rapidement à une scène plus large. Il quitta son pays natal et s’installa à Rome. Il regarda au-delà des études catholiques et apprécia le travail des protestants et les savants laïcs. Bien sûr, il devint une figure mondialement connue. Certainement, il fut poussé par sa vocation jésuitique qui demanda une mobilité et une recherche constante pour le Bien. Mais sans sa propre coopération à la volonté de Dieu et sa fidélité à ses différents vœux, ces résultats n’auraient pas été réalisés.
Conclusion
Une grande gratitude. Augustin Bea encourage les autres sur beaucoup de plans. Sa vie et son exemple nous pressent à utiliser de la meilleure façon les talents qui nous sont données et les opportunités que la vie nous apporte. En même temps, nous sommes invités à être attentif aux autres de manière constructive et sensible : à nos frères et à nos sœurs par le Christ, et par-dessus tout à Dieu. Enfin, le cardinal apporte encouragement et inspiration à ceux engagés dans le travail académique.
P. Norman Tanner SJ