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Père Pierre Jean de Smet SJ
Pierre-Jean De Smet (1801-1873) naquit en Belgique. Très jeune, il partit pour Baltimore au nord de l’Amérique et entra dans la Compagnie de Jésus alors récemment restaurée. Il demanda à être autorisé à rencontrer et à travailler dans les communautés amérindiennes du Nouveau Monde. Il entreprit de nombreuses expéditions à travers les régions inexplorées du continent et participa à la création des premières cartes du système hydrographique du Missouri. Comme l’une des « Robes noires », le nom générique des Jésuites parmi les tribus, il fut accepté par beaucoup de celles-ci comme les Sioux, les Iroquois et les Flatheads. Il fut choqué par la brutalité et par la violence qu’il découvrit et tenta de protéger les amérindiens et leurs cultures de l’invasion des colons. A une époque de grande instabilité et de guerre, il rendit visite au chef Sitting Bull et le persuada d’entrer dans les négociations de traités de paix. On estime que De Smet parcouru plus de 180 000 miles à travers l’Amérique et entreprit plusieurs longs voyages en mer vers l’Europe pour y récolter des fonds destinés au ministère en aide aux amérindiens. L’une de ses œuvres fut la création de l’université de Saint Louis.
Les historiens de missions Jésuites faites aux Amériques ont tendance à concentrer leurs récits sur les exploits héroïques des missionnaires accomplis au Canada et au Paraguay ; il y a cependant beaucoup d’autres histoires de Jésuites au Nouveau Monde. Cette histoire est celle d’un jeune et enthousiaste belge de tout juste vingt ans qui quitta sa famille et sa patrie pour « vivre parmi les amérindiens » d’Amérique du Nord. Il passa le reste de sa vie à leur service. Malheureusement, il n’avait pas prévu que tous ses efforts pour défendre leurs droits et préserver leur manière de vivre allaient être en vain. Durant sa vie, il fut un apôtre de la paix, réconciliant les tribus les unes avec les autres, négociant des traités avec le gouvernement américain et proclamant l’Evangile en parole et en action partout où il était envoyé.
Pierre-Jean De Smet naquit le 30 janvier 1801 à Dendermonde dans la partie flamande de ce qui est à présent la Belgique. Son père possédait une affaire d’équipement de bateau qui avait prospéré durant les guerres napoléoniennes ; ainsi le jeune Peter (le nom anglais par lequel il fut connu plus tard) grandit autour de bateaux et de commerce maritime. Sa mère était douce et affectueuse ; son père était affectueux et stricte. Il régnait dans la famille une piétée catholique traditionnelle. Le garçon grandit fort, plein de vie et dévoué. Il s’inscrivit à une école à Mechelen qui servait de séminaire préparatoire. Durant cette période de sa vie, sa bien-aimée mère mourut ; il avait 18 ans. En 1821, inspiré par le prêche d’un missionnaire jésuite appelé « l’Apôtre de Kentucky » en visite à l’école de Peter, il trouva sa vocation. Sous les auspices de certains pères de l’école et accompagné de plusieurs autres étudiants, il se prépara à partir pour l’Amérique. Son père découvrit ses plans et envoya le frère ainé de Pierre, Charles, pour l’intercepter avant qu’il n’atteigne les bateaux d’Amsterdam pour l’Amérique. Loin de dissuader Pierre de son aventure, il lui donna de l’argent et lui souhaita la bénédiction de Dieu. Le père de Pierre mourut en 1827 sans jamais avoir revu son fils.
Peter rejoignit le novitiate de White Marsh dans le Maryland et y resta jusqu’en 1823. A l’incitation du gouvernement américain, la Compagnie de Jésus ouvrit une mission à Florissant près de Saint Louis dans le Missouri ; Pierre y fut envoyé après ses vœux dans l’intention de travailler dans les tribus amérindiennes de la région. Comme il était l’un des premiers Jésuites à entreprendre cette mission, Pierre De Smet est considéré comme l’un des co-fondateurs de la province de Missouri de la Compagnie de Jésus. Il resta à Florissant jusqu’en 1833. C’était durant la présidence d’Andrew Jackson et durant une nouvelle étape dans le développement de la république. Apres une visite dans son pays d’origine, le nouveau prêtre entreprit son premier tour à travers le pays se dirigeant vers l’ouest. Il établît en 1837 la mission de Saint Joseph à Councilbluffs pour l’aide aux Potawatomis. Ce fut alors qu’il alla parmi les Sioux pour la première fois afin de réconcilier deux tribus – la première de ses missions de paix. En 1831, il commença son vrai projet de vie lorsqu’il se rendit au Nord-ouest dans les tribus des Flatheads. Dès 1831, quelques amérindiens des Rocky Mountains arrivèrent à Saint Louis pour demander à ce qu’on leur envoie des « robes noires ». Influencés par les Iroquois, un peuple d’amérindiens convertis par les missionnaires du XVIIe siècle, les flatheads envoyaient des délégations à Saint Louis, jusqu’à ce qu’en 1840, De Smet soit envoyé dans les Rocky Mountains afin d’explorer ce potentiel terrain de mission. Il entreprit un voyage à travers les étendues sauvages alors inexplorées de l’Amérique du nord et fut finalement accueilli par le peuple des Flatheads qu’il apprit à connaitre. A son retour à Saint Louis, il visita d’autres tribus, comme les Crows et les Gros Ventres. Il parcourut au total 4814 miles. A Saint Louis, après avoir rendu son rapport, il fut chargé d’établir des missions permanentes dans le nord-ouest. Il fonda, avec Père Nicholas Point, la mission de Marie sur les rives de Bitterroot, 30 miles au nord de Missoula (Montana). Il ajouta la tribu des Cœurs d’Alène à sa famille apostolique. De Smet conçût la possibilité de fonder des « réductions » pour les indiens d’Amérique en suivant le modèle des expériences de vie en communauté faites par les missionnaires Jésuites au Paraguay, au siècle précèdent. Ces communautés pourvoiraient une base fixe pour les tribus, leur permettant de connaitre les avantages de la civilisation (en terme européen) tout en maintenant leurs activités et leur gagne-pain traditionnels. Les Jésuites aideraient alors à assurer la paix entre les tribus et à légitimer la déclaration de leur territoire déjà menacé par l’expansion des américains blancs. Il avait besoin de ressources afin de réaliser cette vision. De Smet retourna donc en Europe en 1843 pour acquérir les fonds et les volontaires nécessaires. En 1844, il fit un voyage remarquable de la côte ouest du Canada jusqu’à la pointe de l’Amérique du Sud à bord de « l’Infatigable ». Il y avait avec lui six sœurs de la congrégation de Notre Dame de Namur et d’autres volontaires. Apres s’être entretenu avec l’évêque de la région, il établit la station de la mission de Saint Ignace près des bouches de la rivière Columbia (Columbia britannique) afin de servir les Kalispels de la baie. A cette époque, De Smet était inquiet pour les Blackfeet, une tribu constamment menacée par ses voisins. En 1846, après une bataille entre les Blackfeet et les Crows, il décida de faire personnellement appel aux Blackfeet. Apres les avoir rencontrer à Yellowstone Valley, il accompagna les chefs à Fort Lewis où des traités de paix avec les autres tribus furent conclus.
Le retour de De Smet à Saint Louis marqua la fin sa période « parmi les amérindiens » c’est-à-dire à vivre et à travailler avec eux dans leurs communautés tribales. Ce ne fut pas son propre choix. Il avait été choisi par ses supérieurs pour rejoindre l’université de Saint Louis récemment fondée. Il fut également nommé trésorier de la nouvelle province jésuite. Il garda sa position plus ou moins jusqu’à sa mort. Ses missions furent entreprises par les pères Point, Mengarini, Nobili, Ravalli, De Vos, Hoeckens et d’autres qui continuèrent à vivre avec les amérindiens du nord-ouest et à établir des missions permanentes parmi eux. Son idée de « réductions » ne porta jamais ses fruits.
Pendant des années passées dans la nature, De Smet mena la vie classique d’un explorateur missionnaire. Il surmonta d’incroyables épreuves, se fiant à des moyens simples de survie pour affronter le terrain, le climat et la faune sauvage. Il devait également surmonter le stress émotionnel et psychologique de cette vie. Une autre de ses frustrations venait du fait qu’il avait constamment besoin d’un interprète pour communiquer avec les amérindiens. Néanmoins, il est évident que sa présence avait un effet puissant et positif sur les gens qui l’entouraient ; et bien que parfois il puisse s’être senti en danger parmi des peuples inconnus et potentiellement hostiles, il ne semble pas avoir subi de violence d’aucune sorte. Au contraire, il semble qu’on l’ait accueilli et qu’on lui ait fait confiance partout où il se rendait.
Lors de ses voyages, De Smet écrivit beaucoup de lettres et de journaux intimes. Il avait un don pour la prose pleine d’entrain et réussi à faire publier ses écrits. Ceux-ci eurent beaucoup de succès en Europe et aux Etats unis. Le nom de Pierre de Smet devint connu de tous ceux qui portaient un intérêt à l’ouest de l’Amérique et aux amérindiens. A cette période, il s’était « retiré » de ses devoirs actifs, mais la providence l’appela à un rôle encore plus public. Le mouvement croissant des colons blancs à travers les plaines en direction des territoires de Californie et d’Oregon alarma de plus en plus les amérindiens et provoqua de plus en plus d’hostilités entre eux et les colons. En 1851, un « Congrès Général des Tribus » fut organisé par le gouvernement des Etats Unis en vue d’établir des conditions de paix. Le congrès devait avoir lieu dans la Horse Creek Valley près de Fort Laramie (Yoming). Le gouvernement, impressionné par la réputation de De Smet comme négociateur parmi les amérindiens, sollicita sa présence. Les supérieurs de Pierre acceptèrent et il entreprit le long voyage depuis Saint Louis. Dix milles amérindiens se rassemblèrent à cet endroit, comme « sous le charme »de De Smet des traités furent signés. Son succès poussa le gouvernement à le nommer aumônier de l’armée américaine (qui se composait de beaucoup de Catholique) afin qu’il puisse aider à calmer beaucoup de situations critiques provenant de l’expansion vers l’ouest des blancs. En 1858 il fut appelé à résoudre un diffèrent avec les Mormons qui refusaient d’accepter un gouverneur dans l’Utah. Il accompagna le général Harney dans son expédition, et bien que cette dispute se soit dissoute avant leur arrivée, ils développèrent de bonnes relation.. De Smet fut invité à utiliser ses dons de pacificateur parmi les tribus d’Oregon et de Washington devenant de plus en plus nerveux à la menace de leurs terres et de leur façon de vivre. Il remplit son devoir le mieux qu’il put jusqu’à ce que la guerre entre les états du nord et les états du sud éclate et l’oblige à démissionner de sa charge. Le Missouri était un état frontière faisant partie de l’Union mais légalisant l’esclavage. Comme beaucoup d’autres Jésuites, il fut forcé de rester , en apparence, neutre pendant la guerre mais intérieurement en faveur de l’abolition. La guerre en elle-même, permit à certaines tribus de pouvoir réaffirmer leurs droits et en 1862, la révolte des Sioux amena l’Armée de l’Union à entreprendre une expédition punitive. De Smet avait travaillé avec les Sioux l’année précédente à la demande du Supérieur Général des Jésuites, mais refusa l’invitation de l’armée à prendre part à une telle expédition.
Les années suivant la guerre Civile démontrèrent la grande tragédie des indiens d’Amérique dès lors que les Etats Unis continuaient à s’étendre et les blancs commençaient à s’installer sur leurs territoires. Les familles pionnières, sans aucun doute à propos de leurs droits sur les territoires vierges d’Amérique de l’ouest, étaient en conflit permanent avec les peuples indigènes ; il y eut autant de courage et de détermination des deux côtés. Malheureusement, les amérindiens ne seraient pas vainqueurs. Des traités furent signés puis rompus. Les amérindiens vinrent à se méfier de toute promesse faite par les blancs. Dans cette atmosphère envenimée, De Smet ne pouvait faire que très peu. Il fut appelé en 1867 à représenter la commission de Paix du gouvernement aux près amérindiens et leur présenta les propositions du gouvernement pour les terres tribales et pour une cohabitation en paix. En 1868, il avait traversé les Badlands et avait atteint le camp des redoutables Sioux près de Powder River et à la présence de 5000 membres de cette tribu, il rencontra le chef Sitting Bull. Le chef était (à juste titre) sceptique mais des traités furent signés. Cependant « les guerres indiennes » ne prirent pas fin et en 1870 il fut de nouveau en négociation avec les Sioux. A ce moment-là, il avait pris conscience que, malgré ses bonnes intentions, le gouvernement était incapable d’empêcher les colons blancs de s’approprier les terres qu’ils voulaient. La Mission de Paix était vouée à l’échec. En effet, près de 500 traités furent signés par les amérindiens depuis la création des Etats unis jusqu’au début du XXe siècle. Tous furent brisés. De Smet mourut à Saint Louis en 1873.
Père Pierre De Smet fut un Jésuite aux grandes qualités, un vrai missionnaire. Malgré d’occasionnels problèmes concernant des fonds ou à cause de sa manière indépendante d’opérer, il était reconnu par ses pairs comme un modèle des vœux. Il possédait la gaieté d’un enfant face à toute adversité. Dans ses efforts sans relâche pour la paix, il se fia entièrement à la foi, à l’espoir et à la charité pour accomplir l’impossible. Il fut en équilibre délicat entre les intérêts des amérindiens, les intérêts de la république et les intérêts de l’Eglise catholique. A ceci doit être ajouté son premier et principal objectif : faire connaitre l’Evangile. A cette fin, il parcourut 180 000 miles et il dédia chaque moment de sa vie à cette cause.
P. William Pearsall SJ